RETROUVER UNE FAMILLE APRES PLUSIEURS ANNEES, EST-CE POSSIBLE ?

Notre travail avec les jeunes de la rue nous conduit parfois à des réunifications extraordinaires : un enfant qui a perdu tout contact avec sa famille depuis des années la retrouve avec une très grande émotion : voici deux exemples récents qui ont bouleversé toute notre équipe : oui, cela vaut la peine de se battre pour retrouver la famille des enfants et trouver un chemin de réconciliation.
PATRICK DJANI, REJETE PAR SON ONCLE PASTEUR, MAIS ACCUELLI PAR SON GRAND PERE
L’enfant est né à Kananga, dans le Kasaï, orphelin de mère et d’un père inconnu jusqu’à présent. Sa mère était policière, divorcée quand elle a rencontré le papa de Patrick qui est juriste employé par la CENI, (commission électorale nationale indépendante) à Kananga.
Après la naissance de Patrick, son père est rentré à Kinshasa rejoindre sa première femme et ses enfants. Patrick est resté chez sa maman qui, après 5 ans, est décédée suite à une maladie. Le grand-père maternel de Patrick est allé récupérer ses petits-fils et tous sont arrivés à Kinshasa dans la commune de Masina.
Comme l’enfant venait de perdre sa maman, il s’est plongé un peu dans la turbulence, et pour sa grand-mère maternelle, le comportement de Patrick était un signe de sorcellerie.
Voyant que son oncle est pasteur, le grand père a décidé qu’il puisse le prendre chez lui et l’aider par des prières. Mais, celui-ci à son tour, plutôt que de prier pour l’enfant, s’est débarrassé de lui en le confiant à un orphelinat.
Vu son âge entre 6 à 7 ans, il commençait à refuser de rester à l’orphelinat mais préférait rentrer en famille. C’est pourquoi il a fui l’orphelinat pour venir dans la rue puis chez nous au centre Ndako ya Biso. Après quelques jours, les éducateurs de l’orphelinat sont arrivés chez nous pour le prendre, et il a refusé de partir avec eux. Nous avons tenté plusieurs fois avec lui de retrouver sa famille sans succès.
En route pour l’orphelinat où était Patrick, puis nous avons suivi les traces jusqu’à découvrir l’église de son oncle pasteur. Celui-ci nous a donné une adresse de contact du grand père qui habitait la commune de la N’sele après l’aéroport de Ndjili.
Nous sommes partis, et dès que le grand-père a eu la nouvelle de son petit-fils qu’il n’avait plus vu depuis plus de 3 ans, il m’a demandé de lui amener Patrick tout de suite.
Il a sorti les photos de l’enfant, de sa maman décédée et d’autres membres de la famille. Le jour suivant, nous sommes partis avec Patrick, et, dès que nous sommes entrés dans la parcelle, le grand-père a accueilli son petit-fils en l’embrassant avec une autre tante qui était là. Tous ont commencé à pleurer.
Après un moment, nous avons discuté avec eux et la tante a décidé de prendre Patrick sous sa responsabilité dès ce soir-là sous le regard vigilant du grand père. Nous avons mangé avec l’enfant un petit repas qui avait été préparé pour son retour en famille. J’ai vu l’image de l’enfant prodigue de la Bible en Luc 15. Nous avons inscrit l’enfant qui a dix ans en 4°année primaire, dans une école proche.

Nous allons continuer à le visiter en famille pour suivre son intégration dans sa famille. Dans les jours à venir, notre combat sera de tout faire pour découvrir où se trouve le papa de Patrick afin que l’enfant découvre le visage de son père biologique.
Voilà certaines réalités de notre travail.
Avec l’aide de Jean Didier Kpanya, Educateur social

bénévole. Ses débuts au centre Ndako Ya Biso
JEAN KABASELE, UNE FAMILLE DISPARUE ET RETROUVEE…APRES DIX ANS !
Nous avons accueilli Jean Kabasele connu sous le nom Jean Mobake âgé de 12ans. Timide et très réservé, un enfant plein de vie qui aimait bien chanter ; son seul souci était de ne pas avoir sa famille avec lui. « Je ne suis pas un enfant de la rue, si ma famille était là, je n’aurais jamais connu la rue » par ces mots, l’enfant s’est confié à nous. Nous avons par la suite pris le temps de parler avec lui et il n’a pas hésité à donner ses coordonnées.
Arrivés sur place, nous avons constaté que ces coordonnées nous conduisaient vers un orphelinat qui avait déjà fermé ses portes. Donc aucune trace de sa famille. Les résultats de ces différentes enquêtes nous ont amenés à confier l’enfant à un centre d’hébergement. Quatre ans après son placement, nous n’avions toujours pas retrouvé les traces d’un membre de sa famille. Nous avons par la suite décidé de le placer en formation professionnelle où il a suivi la filière ajustage. Il habitait un internat des Salésiens loin du centre ville.
Arrivé à sa dernière année de formation, un problème a conduit à une grande joie : il a été mis à la porte de l’internat. Une famille amie a accepté de l’héberger pour lui permettre de finir sa formation. Et c’est là que l’enfant a eu la rencontre de sa vie : il a rencontré quelqu’un qui l’a directement reconnu comme un fils Kabasele. Depuis longtemps il portait le nom de Mobake qui lui a été donné par un bienfaiteur qui l’avait pris en charge après que sa famille l’ait mis à la porte. La personne lui a remis les coordonnées de ses parents et de sa grande famille maternelle.
Mais Jean, après une si longue période d’absence de sa famille, n’arrivait pas à pardonner. « Voyez qui vous voulez appeler, moi je n’ai pas besoin d’une famille qui m’a rejeté alors que j’avais besoin d’elle » … sans le brusquer, nous avons demandé au jeune de donner à sa famille l’occasion de lui parler surtout de le voir. Quelques mois après ce premier contact, le jeune s’est enfin décidé à rencontrer sa mère qui est venue de Tshikapa spécialement. Un samedi matin, nous recevons le jeune accompagné de sa mère et de son plus jeune frère. La mère s’exprime avec les larmes aux yeux et c’est là qu’elle nous relate l’histoire de Jean Mobake dit Kabasele.

« Je l’ai eu à l’âge de 15ans étant jeune, et l’ai remis entre les mains de ma grande sœur en pensant que cela serait bien pour lui. Je suis allée avec le père de l’enfant en province. Quelques années plus tard, ma sœur m’a informée qu’elle l’avait laissé dans une église pour la délivrance parce qu’il était un enfant dit sorcier. J’ai pleuré de toutes mes larmes. Je suis arrivée d’urgence à Kinshasa, pour remuer terre et ciel je n’ai rien trouvé. Je suis arrivée même là où ma sœur avait placé l’enfant. Rien, l’orphelinat avait fermé ses portes il y a bien longtemps. La disparition de mon fils avait causé une vraie séparation entre mes frères et sœurs. Me dire que ma propre famille a décidé de mettre mon fils à la rue, lui qui avait à peine 10 ans, et ce sans regret ni remords. Je ne pouvais jamais y croire. Un beau jour je reçois ce coup de fil m’annonçant qu’on a retrouvé les traces de mon fils près de 10 ans passés. J’avais d’abord très peur d’être rejetée par mon fils, je me demandais s’il allait m’accepter. Est-ce toujours possible de revivre cette affection mère-fils. J’avais peur mais j’étais très pressée de revoir mon fils ».
Nous avons encouragé le jeune et sa mère à se donner une nouvelle possibilité d’affection, d’accepter de se donner la chance de se connaître. Nous les avons assurés de notre accompagnement. A la fin de la rencontre, ils nous ont demandé si on n’avait pas une ancienne photo du jeune. Je veux voir à quoi ressemblait mon fils, dit la mère. Heureusement pour elle, nous avons retrouvé dans nos archives une photo datant depuis 2013.
Le jeune Kabasele a non seulement retrouvé sa famille, mais aussi l’affection de celle-ci. Il vient de finir lauréat dans sa filière de soudure et va recevoir son brevet d’Etat d’ici. Et il voudrait commencer un cursus autodidacte pour lui permettre d’obtenir un diplôme d’Etat. En attendant, il a été sélectionné pour un stage professionnel dans une entreprise de la ville. (Sep Congo).
N’oubliez jamais de prendre soin du sourire d’un enfant, donnez-lui l’occasion de construire des souvenirs joyeux. Ndako ya Biso a aidé un enfant à vivre son enfance et à se reconstruire une espérance.
Avec la collaboration de Nancy Nsitu, Educatrice sociale